L’idée que la narration a un effet thérapeutique sur l’esprit des gens remonte au 5ème siècle avant J.-C., lorsque Aristote a élaboré le concept de la catharsis dans sa Poétique. Le philosophe grec croyait que les gens pouvaient bénéficier des émotions de piété et de terreur que la tragédie suscitait en eux, par le biais de l’identification avec le personnage : en les éprouvant depuis une position “sécuritaire”, celle du spectateur, ils purifiaient leur esprit des mêmes sentiments.

Qu’est-ce que la bibliothérapie ?

La bibliothérapie est une méthode qui consiste à utiliser des livres comme outils thérapeutiques à des fins différentes, telles que l’aide aux personnes ayant des troubles mentaux, le développement de la connaissance de soi chez les adultes et les adolescents, ainsi que le renforcement de leurs compétences personnelles et de leurs ressources psychologiques.

Bien que l’impact bénéfique des récits soit ancré dans une tradition ancienne, la première application concrète de la bibliothérapie a eu lieu en 1930, lorsque le psychiatre William Menninger a décidé de prescrire des livres à des anciens combattants souffrant de trouble de stress post-traumatique. À partir de ce moment, la bibliothérapie a été étudiée par plusieurs chercheurs du monde entier, acquérant encore plus de crédibilité et conduisant à des découvertes remarquables.

Types d’applications

La bibliothérapie concerne à la fois le domaine médical et éducatif. Dans le premier cas, elle est associée à une thérapie dirigée par un professionnel de la santé pour traiter un trouble psychophysique. Dans le second cas, elle est utilisée pour améliorer la qualité de vie des gens, qu’il s’agisse d’enfants, d’étudiants, d’adultes ou de personnes âgées et est gérée par des professionnels du livre tels que les enseignants, les bibliothécaires, les éducateurs et les travailleurs socio-culturels.

Y a-t-il des preuves de sa validité ?

Plusieurs études scientifiques internationales montrent que la lecture et la narration en général ont des effets positifs sur les sujets souffrant de dépression et de troubles anxieux, et sont efficaces dans le traitement de la dyslexie, de l’autisme et de maladies neurodégénératives telles que la démence et Alzheimer. De plus, elles améliorent la créativité, augmentent l’intelligence émotionnelle et ont des effets positifs sur l’humeur, grâce à la stimulation de neurotransmetteurs tels que l’ocytocine, la dopamine et les endorphines.

Deux facettes d’une même médaille : le lecteur et l’écrivain

Selon la chercheuse américaine Caroline Shrodes, la bibliothérapie traite de l’identification, rendue possible par la lecture de l’esprit et l’empathie – deux fonctions cognitives fondamentales chez les êtres humains – la catharsis et l’introspection. L’introspection permet d’acquérir une connaissance plus profonde de soi, particulièrement importante pour les adolescents qui construisent leur identité à travers les relations sociales et les comparaisons avec leurs pairs. Non seulement la lecture, mais aussi l’écriture – en particulier autobiographique – a ce pouvoir intérieur de déterrer des émotions intérieures, souvent inconscientes.

Guérissez vous avec des livres aujourd’hui

De nos jours, la bibliothérapie est particulièrement connue en Angleterre, à travers le projet national Books on Prescription. Il consiste en la prescription de livres par des professionnels de la santé pour traiter les troubles mentaux ; le patient se rend à la bibliothèque locale la plus proche avec son “ordonnance” et obtient le livre que le médecin lui a prescrit. Ces livres “thérapeutiques” sont sélectionnés à partir d’une liste recommandée par The Reading Agency, une association à but non lucratif, dans le cadre du programme Reading Well. Ces livres thérapeutiques appartiennent à différents genres, du documentaire aux livres pour jeunes adultes et aux livres illustrés, comme Ruby a une inquiétude de Tom Percival. Tous sont préalablement approuvés par les principales associations britanniques de la santé et par le ministère de la Santé.

De plus, au cours de la dernière décennie, de nombreux livres sur ce sujet ont vu le jour, comme The Novel Cure: an A to Z of Literary Remedies (2013) d’Ella Berthoud et Susan Elderkin, qui répertorie diverses œuvres littéraires en fonction de leur effet thérapeutique. « Vivre sans littérature signifie perdre l’occasion de vivre enrichi par les leçons de ceux qui ont parcouru cette vie avant nous » écrivent les auteurs dans la préface.

Quelle est la suite ?

Le partenariat européen travaillant sur le projet Breaking Taboos about mental health cherche à démanteler les stéréotypes et les tabous sur la santé mentale qui stigmatisent et isolent les personnes confrontées à des troubles de santé mentale. Pour sensibiliser les adolescents et accompagner les jeunes confrontés à ces problèmes, nous développons cinq bandes dessinées interactives sur le thème de “Changer de point de vue sur…” (anxiété, dépression, handicaps, etc.). À travers une série d’ateliers organisés dans chacun des pays partenaires, les jeunes pourront lire les bandes dessinées, mais aussi devenir les créateurs et les concepteurs de leurs propres histoires, en appliquant la bibliothérapie à leurs antécédents personnels et à leurs problèmes, dans le but d’aborder ce sujet de manière plus cathartique.

Pour en savoir plus sur le projet Breaking Taboos about mental health, cliquez ici